L’homme au fusil – Richard Wilson (1955)

L'homme au fusil 1Western, USA, N&B

Réalisation : Richard Wilson
avec Robert Mitchum, Jan Sterling, Karen Sharpe

Date de sortie : 07 avril 2022

Distribution: Sidonis Calysta

Ecrit et réalisé en1955 par Richard Wilson, L’homme au fusil est un western en N&B, au scénario ambitieux, illuminé par la présence de Robert Mitchum et mis en musique par Alex North.

Premier film produit par Samuel Godwin Jr et distribué par la United Artists, L’homme au fusil dispose hélas d’un budget trop serré pour jouer des coudes avec les grands westerns de cette année 1955 que sont L’homme de la plaine d’Anthony Mann, Les implacables de Raoul Walsh ou L’homme qui n’a pas d’étoile de King Vidor. Il n’en reste pas moins une étonnante découverte!

Richard Wilson n’est pas un réalisateur des plus connus d’Hollywood. On lui doit une dizaine de longs métrages dont deux remarquables films noirs: Al Capone (1959) et Pay or die l’année suivante. Sa notoriété tient plus à son travail de producteur au côté d’Orson Welles, d’abord au théâtre puis au cinéma pour Citizen Kane (1941), La dame de Shanghai (1947) ou Macbeth (1948). L’homme au fusil est sa première réalisation et décrocher Robert Mitchum, pour incarner le rôle du « nettoyeur » fatigué d’une petite ville de l’ouest, donne une idée du sérieux du projet, d’autant que l’acteur a refusé deux propositions plus conséquentes pour en être !

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Il y incarne un homme en apparence paisible, soucieux de se ranger : Clint Tolliger. De passage par la petite ville de Sheridan, l’homme est en quête d’une réponse auprès d’une femme qu’il a connu dans le passé : Nelly (Jan Sterling). Or, ce qu’il obtient d’elle et découvre dans cette localité, gangrenée par la peur, le poussent à reprendre du service en tant qu’homme au fusil ou pistolero au service de la justice.

Acteur emblématique du film noir depuis ses débuts à la RKO en 1943, Robert Mitchum n’aura de cesse de développer, derrière sa silhouette massive, des personnages complexes, anti-héros charismatiques, souvent fatigués, désabusés et cyniques voire inquiétants, sans jamais tomber dans la surenchère. Un talent qu’il exercera avec la même aisance dans le western en enchaînant La nuit du chasseur (1955) de Charles Laughton tout juste précédé de Track of a cat (1954) de William Wellman et de La rivière sans retour (1954) d’Otto Preminger.

Dans L’homme au fusil, il fait merveille en apportant une dimension supplémentaire à l’intrigue, plus sombre, plus profonde, sans jamais forcer son jeu, ni tomber dans les clichés du genre. Au contraire, il pousse le film vers le haut et l’intelligence de Richard Wilson tient au fait qu’il le laisse filer. Le cinéaste connaît ses limites et ses atouts. Il fixe un cadre original et s’y tient. Car on ne travaille pas, des années durant, au côté d’Orson Welles sans rien en retenir. L’homme au fusil, outre son âpreté, se démarque du western américain traditionnel pour se rapprocher du cinéma européen. Délaissant les scènes d’action pures, il s’attarde longuement sur la psychologie de ses personnages, leur offre une épaisseur, une densité, loin de tout manichéisme, tout en privilégiant un réalisme soigné.

L'homme au fusil 2

Après une ouverture qui décrit, en quelques plans, l’arrivée d’un hors la loi dans la ville, Richard Wilson resserre l’intrigue autour du maréchal ferrant et de sa grange pour en faire le noeud de l’action. C’est ici que germe l’idée, simple en apparence, d’engager un homme de main pour pacifier la ville. C’est là que Clint se verra élu par le conseil municipal et c’est également là que de nombreuses questions éthiques vont se poser: Ne sommes-nous pas des lâches? Ne remplaçons-nous pas un tyran par un autre? Le remède n’est-il pas plus fort que le mal?

Commerçants et politiques n’auront qu’un but: la défense de leurs intérêts personnels. Le bien commun n’inquiétera que le maréchal ferrant, sa fille et son gendre. Mais n’ont-ils pas fait entrer le diable dans la demeure?

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Entre questionnements intérieurs et provocation, Robert Mitchum s’en donne à coeur joie pour dépasser la première impression d’honnêteté paisible. Touchant, il laisse entendre la solitude du pistolero. Inquiétant, il montre le danger de confier les pleins pouvoirs à un inconnu, dans une séquence clef du film. Au centre de toutes les attentions, l’homme au fusil apparaît alors comme un catalyseur. Quelqu’un, humain ou monstrueux, à même de révéler le fond (bon ou mauvais) des gens qui l’entourent pour mieux s’en nourrir.

Dommage que la réalisation de Richard Wilson n’arrive pas à la hauteur du scénario et qu’il ne choisisse pas de creuser cette ligne sombre jusqu’au bout car nous aurions pu avoir un grand western là où se dessine un long métrage plaisant. L’ajout d’intrigues secondaires en seconde partie ainsi qu’une fin plus conventionnelle illustre ce changement de ton qui n’affecte en rien l’impression de plaisir ressentie jusque là. L’homme au fusil est passionnant !

L'homme au fusil 5

A noter que le DVD, sorti en 2010 déjà chez Sidonis, était au format 1.33. Là, avec le Blu-Ray, nous sommes sur du 1.85, format dans lequel il a été tourné.

Vo + Vf.

Bonus:
Présentation de Bertand Tavernier
Présentation de Patrick Brion
Présentation de Jean-François Giré
Robert Mitchum par Jean Claude Missiaen
Bande annonce

Patrice Chambon

avril 11, 2022 at 4:22 Laisser un commentaire

Parenthèse

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Le bel Antonio de Mauro Bolognini (1960) au Méliès de Pau

Jeudi 6 décembre je vous donne rendez-vous au cinéma Le Méliès de Pau, pour découvrir Le bel Antonio de Mauro Bolognini.

Réalisé en 1960 par un cinéaste injustement déprécié, ce drame intime déborde peu à peu de son cadre pour devenir une habile critique sociale à l’égard de l’Église et de la bourgeoisie, deux forces du passé qui corsètent encore l’Italie à la veille du boum économique.

Délicat, sensible Le bel Antonio n’en demeure pas moins l’histoire d’un homme tombé amoureux d’un ange. Un être, imaginaire, qui, comme on le sait, n’aurait pas de sexe…

 

 

décembre 3, 2018 at 11:11 Laisser un commentaire

Cinq et la peau de Pierre Rissient (1981) au Méliès de Pau

Jeudi 25 Octobre, j’aurai le plaisir de présenter, au cinéma Le Méliès de Pau, le second et dernier long métrage de Pierre Rissient : Cinq et la peau.

Réalisée en 1981, cette œuvre rare, fascinante et poétique ressort dans une merveilleuse copie éditée par Carlotta.

octobre 15, 2018 at 9:54 Laisser un commentaire

Avant que nous disparaissions : Kiyoshi Kurosawa (2018)

Drame, Japon

Réalisation : Kiyoshi Kurosawa
avec Masami Nagasawa, Ryuhei Matsuda, Hiroki Hasegawa

Date de sortie : 14 mars 2018

Distribution : Eurozoom

Depuis Shokuzai, Kiyoshi Kurosawa semble avoir retrouvé le rythme qui fut le sien dans les années 1990, soit celui de deux films par an environ.

Après son expérience française, Le Secret de la chambre noire (2016) et son angoissant Creepy, le cinéaste explore enfin un genre qui lui tenait à cœur : la science-fiction.

Il adapte pour se faire une pièce de théâtre parodique imaginant une invasion extraterrestre particulièrement originale et pour le moins chaotique.

L’homme peut-il être réduit à l’état de brouillon d’une personne, de créatures incomplètes et ou bâclée ?

Je vous laisse découvrir le réponse…

mars 15, 2018 at 12:33 Laisser un commentaire

La caméra de Claire : Hong Sang-Soo (2018)

Comédie dramatique, Corée du Sud

Réalisation : Hong Sang-soo
Avec Isabelle Huppert, Min-Hee Kim, Jang Mi Hee

Date de sortie : 7 mars 2018

Distribution : Jour2fête

Cinq ans après In Another Country (2012) Isabelle Huppert retrouve le cinéaste Coréen, Hong Sang-soo. Un réalisateur si prompt à tourner qu’il nous gratifie d’une à deux réalisation par an, depuis 2008.

Des histoires intimes, faussement naïves, en apparence semblables et pourtant subtilement différents. Des variations. Des déclinaisons.

Tourné l’année dernière à Cannes, pendant le festival, La caméra de Claire (clin d’œil évident à Eric Rohmer) ne déroge pas à la règle. Délicat et aérien, ce film épuré à merveille brille par sa liberté narrative et son apparente simplicité.

Ici trois figures se rencontrent et se croisent par l’entremise de Claire, une quasi bonne fée, mais surtout un personnage qui révèle et qui répare. Entre déambulations labyrinthiques et scènes de discussions largement improvisées, c’est un conte moral qui se dessine.

mars 9, 2018 at 5:49 Laisser un commentaire

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