Je suis heureux que ma mère soit vivante (2009). Rencontre avec Nathan et Claude Miller.

septembre 30, 2009 at 9:18 Laisser un commentaire

Je suis heureux que ma mère soit vivanteDrame, France

Réalisation : Claude Miller et Nathan Miller
Avec Vincent Rottiers, Sophie Cattani, Christine Citti

Date de sortie : 30 Septembre 2009

Distribution : Metropolitan FilmExport

Synopsis :Notre identité est un vêtement dont notre enfance a dessiné les coutures. La présence de ceux qui nous ont élevés, nos parents, a été fondatrice de ce que nous sommes. Mais que se passe-t-il quand il s’agit d’absence ? C’est une des questions posées par notre histoire. Entre 7 et 20 ans, Thomas a recherché Julie, sa mère biologique. A l’insu de ses parents adoptifs, il va retrouver cette femme qui l’a abandonné à 4 ans et commencer auprès d’elle une « double vie ». Mais comme dit le proverbe « qui a deux maisons perd la raison ».

Inspirée d’un fait divers, cette quête identitaire obsédante d’un fils abandonné par sa mère, bouleverse autant qu’elle inquiète. La dimension œdipienne de leurs rapports, le jeu viscéral des acteurs et la sécheresse de la réalisation accentuent cette sensation de malaise. Explications avec Claude et Nathan Miller.

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Les liens du sang

Pourquoi avoir décidé de réaliser ce film ensemble ?
Claude Miller : Nathan travaille avec moi depuis une dizaine d’années comme deuxième caméra, puisqu’à partir de La chambre des magiciennes j’ai tourné avec deux caméras. Mais il le fait avec beaucoup de liberté et c’est ça qui me plait, ce regard qu’il a sur ce que je suis en train de mettre en scène. Donc ça me paraissait naturel, dans un premier temps, que l’on écrive ce scénario ensemble. Et plus je travaillais avec Nathan, plus j’avais l’impression de parler à un cinéaste plus qu’à un coscénariste. C’était passionnant. Donc il y a eu un moment où je lui ai proposé de passer à la réalisation avec moi. Et je dois admettre sans fausse modestie, qu’il m’en apprend autant, même plus, que je ne lui en ai appris par le passé.

Comment s’est concrétisée votre collaboration ?
Nathan Miller : Pendant toute la durée de l’écriture, on s’est posé cette question du « comment » ! Comment font les Dardennes ou les Cohen ? On a donc pensé à un partage des tâches par affinité. Et, une semaine avant le début du tournage, on a testé cette méthodologie pendant une journée d’essais. Au bout de 2 heures c’était l’enfer. Rien ne fonctionnait. Alors il m’a dit : « Je suis désolé mais tu vas être obligé de tout faire ! Je serais derrière le combo vidéo, et quand je sentirais que quelque chose ne va pas, je viendrai te le dire ». Ça m’a surpris car l’exercice était périlleux mais je disposais d’un fil de rappel presque invisible. Je crois que cette présence et cette liberté à la fois m’ont donné énormément d’aisance. Au fond, les plus surpris c’était l’équipe qui ne comprenait pas que Claude Miller ne leur adresse pas la parole!

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Quelles sont les origines du film ?
Claude Miller : On s’est basé sur un fait divers rapporté par Emmanuel Carrère dans un article de L’événement du jeudi, paru en 1996. Jacques Audiard était le premier à s’y intéresser de près, au point de demander à Carrère puis à Alain Le Henry d’en tirer un scénario pour le porter à l’écran. Mais le temps passa et Un prophète devint sa priorité. Il décida donc d’abandonner. Du coup le producteur Jean-Louis Livi se trouva avec un scénario sur les bras mais sans metteur en scène. Comme j’avais fait des films avec lui dans le passé dont La petite voleuse, il a pensé que le sujet pourrait m’intéresser et il m’a présenté ce scénario déjà écrit. Je l’ai lu, je l’ai trouvé bien, même passionnant, mais j’ai besoin de réécrire pour mettre en scène. J’ai donc proposé à Nathan d’en co-écrire une adaptation avec moi, en nous basant non pas sur les faits réels, mais uniquement sur les trois pages de l’article. Nous ne voulions pas d’une reconstitution minutieuse du fait divers.

C’est ce qui explique cette mise en scène assez sèche qui laisse planer de longues zones d’ombre ?
Nathan Miller : Formellement, non, l’article ne donnait pas le ton, mais le sens. Il a nourri le scénario, mais en même temps, c’est pour cela que la mise en scène est comme cela. C’était un peu notre bible cet article. Dès qu’on avait des difficultés à l’écriture ou des doutes on revenait toujours taper dedans. Mais en terme de mise en scène, nos discussions tournaient plutôt autour de petits morceaux repérés dans les films de Cassavetes ou des ambiances générales des films des Dardennes. C’était la couleur que l’on imaginait donner à notre film. On n’essayait pas de copier des choses mais simplement on s’inspirait des ambiances.

La dimension oedipienne était-elle présente dans l’article ?
Nathan Miller : Elle y était moins. Disons que c’est venu par décantation naturelle. Ça nous paraissait normal de notre point de vue que ça se passe comme ça entre eux. Ce que pointait l’article c’est que ces deux là, ensemble, dans la rue, avec le gamin formaient un couple avec enfant. La première mouture du scénario intégrait déjà cette idée où pendant un ballade au zoo le glacier disait à l‘enfant tu donneras ça à ton papa et ta maman. Mais nous avons induit cette idée de rapport de flirte, d’attirance mutuelle, et les acteur naturellement en on rajouté.

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C’est du Claude Miller avec une chose en plus …
Nathan Miller : Le fond, les dialogues, le ventre des personnes c’est Claude. Je ne suis pas un auteur, plutôt un cinéaste donc je discute sur l’objet visuel que propose le scénario. Le plus ou la différence c’est que j’ai découpé le film. Claude n’est jamais intervenu et il ne voulait pas intervenir sur la place de la caméra. Or, je ne tourne pas du tout comme lui et c’était un défi que ça ne se ressemble pas. Il fallait que j’existe. Je n’ai pas forcé le trait. J’ai fait ce que j’aurai fait si j’avais été seul avec ce scénario. Mais sans sa présence, je ne crois pas que je me serai permis autant d’audace.

Vincent Rottiers, crève littéralement l’écran …
Claude Miller : C’est une rareté dans le cinéma français et dans les gens de sa génération. Il a cette présence physique plutôt propre aux acteurs américains. Je l’ai découvert dans un film de d’Eric Caravaca, Le passager en 2005 et la première que Nathan l’a vu, on était encore en écriture et il m’a dit regarde, il y a Thomas dehors. La ressemblance était parfaite. A l’écriture il était physique et Vincent apportait cette dimension à son personnage. On ne voulait pas un gamin souffreteux, on en avait même fait un skater. Car c’était pas un souffre douleur du tout mais un petit costaud qui n’avait pas les deux pied dans le même sabots par rapport à la vie.
Nathan Miller : Que ce soit la manière de bouger, de marcher, il a acquis ce personnage très rapidement. Et quand on parle de talent, c’est qu’en une seule prise, il vous donne plus que ce que vous êtes en droit d’attendre de lui. Donc cette qualité a porté tout le monde. Il fallait donner le maximum pour ce mettre à la hauteur de ce qu’il proposait. Sophie Cattani qui lui donne la réplique l’a tout de suite compris et a su profiter de son talent pour elle-même se dépasser.

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Cosigné avec son fils, Nathan Miller, ce film, s’inscrit pourtant à la perfection dans la filmographie de Claude Miller. Car ce Thomas (formidable Vincent Rottiers) aux traits tirés, au visage froid, obsédé par sa quête identitaire fait inévitablement écho aux personnages qu’il a précédemment mis en scène : ce pourrait être le frère de L’effrontée, l’enfant apeuré de La clase de neige ou le petit garçon désemparé par la gène qu’il occasionne à ces parents dans Un secret. A l’origine de ce drame, il y a un fait divers. Au final on trouve un film sec et troublant, posant bien plus de question qu’il n’apporte de réponses. Une volonté délibérée de perdre le spectateur, pour mieux l’amener pied et poings liés vers le dénouement inévitable de ces retrouvailles. Que veut cette mère ? Qu’attend elle de son fils ? Jusqu’au est-elle prête à aller ? Une mère (Sophie Cattani) plus inconsciente qu’indifférente, qui fuit les questions tout en refusant de laisser ce garçon vivre sa vie. Quand à Thomas, obstiné, mutique, ne comptez pas su lui pour poser les questions que tout le monde attend. Incapable d’exister dans le présent, il préfère s’enfermer dans le passé pour essayer de reconstruire ce qu’il n’a jamais connu. Entre amour, haine rancœur et silence, le drame est inévitable. Les Miller le film avec une précision et une froideur qui laisse sans voix. Seuls ces quelques mots cinglants résonneront en guise d’explication donnant tout le sens à ce film : « Je suis heureux que ma mère soit vivante »

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